EMDR

EMDR signifie Eye Movement Desensitization and Reprocessing, en français : désensibilisation et reprogrammation par les mouvements oculaires. Cette méthode prend racine dans un modèle théorique nommé Modèle de Traitement Adaptatif de l’Information (modèle TAI). Décortiquons cela plus en détails ci-dessous.

Quand nous assistons à un concert, nous captons et vivons une multitude d’informations (des sons, des images, des odeurs,…) ainsi que des émotions, des sensations corporelles et des pensées. Tout cela constitue l’expérience du concert qui va être ensuite stockée dans la mémoire. Ce souvenir du concert est stocké dans un réseau de mémoire avec d’autres souvenirs similaires associés. En résumé, tout ce que nous vivons, expérimentons prend sens dans un réseau de mémoire existant. Apercevoir un chien peut évoquer des émotions et sensations agréables et rappeler des souvenirs d’autres chiens que nous avons connu par le passé, avec qui nous avons joué, promené, etc. A contrario, si nous avons vécu des expériences négatives avec un chien, que nous avons été mordu, alors la vue d’un chien peut enclencher un sentiment de prudence et/ou de peur.

Un réseau de mémoire (=mnésique) est donc un groupe d’informations constitué d’expériences partageant des perceptions sensorielles, des émotions, des sensations physiques, des pensées similaires et sont toutes liées les unes aux autres. C’est ce qu’on appelle communément des souvenirs. Le modèle TAI suppose donc qu’une personne en bonne santé, quand elle vit une nouvelle expérience de vie (positive ou négative), l’expérience sera stockée de manière adaptée et s’intègrera dans des réseaux mnésiques contenant des expériences de vie similaires. Il s’agit d’un système de traitement d’informations inné : les informations utiles sont conservées afin de nous aider dans le futur. Finalement, nous pouvons dire que nous apprenons de ce que nous vivons. Notre corps a la capacité de guérir spontanément les blessures physiques et nous avons aussi un système pour traiter les blessures psychologiques. Ce mécanisme de guérison physique et psychologique est inné et présent chez chacun d’entre nous.

Nous vivons tous des expériences de vie stressantes et négatives. Et beaucoup d’entre elles sont traitées à travers le temps par ce système de traitement de l’information inné. Nous nous souvenons tous de la première fois que nous avons eu un-e petit-e ami-e. Nous nous souvenons aussi comment cette première relation a pris fin, comment nos coeurs se sont brisés et à quel point nous avons pu être triste. Notre système de traitement de l’information a fait son boulot et a donné une place à cette expérience. Elle a été digérée, traitée.

Mais comment se fait-il que certaines personnes souffrent encore en pensant à la fin de cette première relation ? Comment est-il possible que ce souvenir leur donne le sentiment d’être nul-le, impuissant-e ou de ne pas mériter d’être aimé-e ?

Ces réactions sont causées par des expériences de vie « non résolues« . C’est-à-dire que des expériences négatives ont été stockées de manière dysfonctionnelle. Elles constituent alors des réseaux de mémoire dysfonctionnels qui sont à la base des difficultés actuelles. En EMDR, nous disons que le passé est présent. Nos perceptions actuelles déclenchent un réseau neuronal dysfonctionnel. Dans ce cas de figure, le mécanise de traitement de l’information inné est comme bloqué.

Prenons l’exemple d’une personne qui est terrifiée à l’idée de passer une évaluation annuelle à son travail. Elle est notamment très anxieuse lorsque son supérieur lui confie la coordination d’un projet important. Elle est à la fois impatiente et se sent incapable de gérer cette tache. Elle s’entend bien avec des collègues qui lui manifestent du soutien mais elle se sent inadéquate et n’ose pas parler de ses peurs. Elle se liquéfie et a envie de pleurer dès qu’elle est appelée par son chef d’équipe. Elle décrit être heureuse dans son mariage mais hésite à avoir des enfants car doute de ses capacité à être un bon parent.

La situation actuelle, précédemment illustrée, est un déclencheur pour des évènements non traités du passé, elle active un réseau neuronal dysfonctionnel. Des émotions négatives, des sensations physiques désagréables et des pensées reviennent à la surface. Dans ce cas de figure, il s’avère qu’en creusant dans son histoire passée, elle vivait avec des parents peu présents. Sa mère était alcoolique, lui criait dessus pour quelque chose qu’elle avait mal fait et son père était dénigrant. Elle se souvient être rentrée un jour de l’école avec un bulletin et que son père lui a dit « tu n’es qu’une incapable ». La personne en question a une panoplie de souvenirs similaires.

La méthodologie de l’EMDR s’inscrit dans 3 temps : passé-présent-futur. On invitera la personne à prendre contact avec un souvenir cible. Il est comme une porte d’entrée vers les réseaux de mémoire associés aux expériences similaires stockées de façon dysfonctionnelle. Le thérapeute guide la personne à aller vers le moment le plus difficile de l’expérience passée, à conscientiser et revivre ses réactions (émotionnelle, physique,…). Via la stimulation bilatérale (les mouvements oculaires), on remet en mouvement l’information bloquée et on la reconnecte, série après série, à des informations plus adaptatives. Le retraitement des souvenirs négatifs du passé conduit à des réponses plus adaptées dans le présent et dans le futur.

Nous pourrions conclure sur le fait que cette approche vise donc à identifier les souvenirs qui enclenchent les difficultés actuelles, à les retraiter et à renforcer l’accès à des réseaux de mémoire plus adaptatifs pour réagir de manière plus congruente aux situations actuelles et futures. Cette approche est composée de 8 phases qui seront détaillées dans un prochain article.

SOURCES

Green, M. (2004). Maintenant que la pluie est tombée, je peux voir clairement. Les cahiers jungiens de psychanalyse. 69-83. En ligne https://doi.org/10.3917/cjung.111.0069

Shapiro, F. (2014). Dépasser le passé. Ed. du seuil.

Tarquinio, C. (2019). EMDR en 46 fiches. Aide-Mémoire. Malakoff. Dunod.

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