Les émotions

Film Vice versa

Qu’est-ce que c’est ?

Malgré les innombrables revues, bouquins, recherches, colloques, wébinaires sur le sujet, cela reste difficile de définir ce qu’est une émotion et il serait d’ailleurs vain de croire qu’une définition unique pourrait correspondre à des expériences émotionnelles aussi diverses que la tristesse, la joie, la peur, la culpabilité, la fierté ou encore la colère !

Etymologiquement, le mot émotion, mot dérivé de émouvoir, vient du latin ex movere. Le préfixe « ex » qui signifie « au dehors » et « movere » bouger, ébranler, mettre en mouvement. Il y a donc là un mouvement de quelque chose qui se vit à l’intérieur et qui se renvoie à l’extérieur. Cette idée de mouvement se retrouve même dans nos expressions !

« Avoir la moutarde qui monte au nez » !

« Sauter de joie »

« Trembler comme une feuille »

« Avoir la vague à l’âme »

Mais qu’est-ce qui active ce double mouvement à la fois internet et externe ? Les émotions se produisent suite à un évènement déclencheur, elles constituent une réponse à un stimulus. Le contexte va alors mobiliser nos 5 sens : prenons l’exemple du feu. Nous entrons dans un salon où règne une ambiance cocooning et chaleureuse, un feu crépite, nous sentons la chaleur nous envelopper tout en nous installant confortablement dans un canapé. Dans cette situation, nous pourrions, potentiellement, nous sentir serein, calme, agréable… Par contre, imaginons que nous sommes chez nous, dans notre salon et que tout d’un coup, nous sentions une odeur de cramé. Nous allons chercher la source de cette odeur pour nous rendre compte que cela provient de la cuisine où nous avons laisser fondre du beurre dans une poêle trop longtemps. Des flammes jaillissent et remontent par la hotte ! Nous risquons de, contrairement à la situation précédente, ressentir de la peur, du stress et nous allons tout faire pour trouver un moyen de nous mettre en sécurité et éteindre ce feu ! Nous pouvons dès lors constater que le contexte déterminera l’émotion qui apparaîtra.

Partant du contexte, nous voyons qu’une série de réactions tant physiologiques, cognitives et comportementales vont s’enclencher. Selon le registre émotionnel enclenché par l’évènement, nous aurons des expressions faciales ainsi que des réactions corporelles spécifiques.

De nombreux chercheurs se sont penchés sur ce sujet et de multiples théories ont vu le jour. Par ex., le chercheur Paul Ekman (1984) recensait 6 émotions « de base » : la joie, la tristesse, la peur, la colère, le dégoût et la surprise. Les « autres émotions », selon la théorie de Robert Plutchik (1980) résulteraient de combinaisons d’émotions primaires. Eric Berne, lui, a établit qu’il y avait 4 familles d’émotions : la colère, la joie, la tristesse et la peur. Bref, les théories et les termes ne manquent pas pour définir quelque chose qui nous anime toutes et tous.

L’émotion peut alors se concevoir comme un phénomène d’adaptation, ou d’évaluation face à quelque chose que nous vivons, composé de :

  • pensées
  • modifications biologiques
  • tendances à l’action
  • modifications comportementales
  • ressenti

Nous pouvons donc, sur base de ces quelques informations non exhaustives, constater que les émotions forment une équation complexe. Mais comment pouvons-nous faire quelque chose ? Comment faire de nos émotions, des alliées, plutôt que des ennemies ?

Pour cela, nous pouvons, toutes et tous, apprendre à développer et affiner 5 compétences :

Identifier nos émotions et celles des autres

Comprendre

Ecouter et exprimer

Réguler

Utiliser

Cela ne requiert pas une prédisposition innée, nous sommes capables de travailler ces 5 axes tout au long de notre vie.

Regardez et vivez vos émotions avec douceur et humour. Le fait de les reconnaître, de les admettre, les empêchera de vous submerger. Vous êtes triste ou ému. N’ayez plus honte de le dire, de le vivre.

(Fabrice Midal)

Bibliographie

COSNIER, J. 2015. Psychologie des émotions et des sentiments.

LOTSTRA, F. 2002. Le cerveau émotionnel ou la neuroanatomie des émotions. Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux. n29.

MAS, M. Conférence. Les émotions comme outils de travail. 2020.

ROSKAM, I., MIKOLAJCAK, M. 2009. Les compétences émotionnelles. Dunod.

TCHERKASSOF, A., FRIJDA, N. 2014. Les émotions: une conception relationnelle. L’année psychologique. n114.

Pas de santé sans santé mentale ?

L’Organisation Mondiale de la Santé définit la santé comme étant « un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. »

La santé mentale d’une personne correspond à son état psychologique ou émotionnel à un instant t. Il s’agit donc d’une réalité complexe qui varie d’une personne à une autre, avec divers degrés de difficulté et de souffrance et des manifestations sociales et cliniques qui peuvent être très différentes. En effet, celle-ci est influencée par différents facteurs : l’environnement, nos habitudes alimentaires, nos ressources économiques, les événements de notre vie (heureux et malheureux), nos ressources familiales et sociales, certains de nos comportements à risque (alcoolisme, drogues en général…), certains facteurs génétiques…

Le modèle d’interprétation des troubles psychiques qui domine à l’heure actuelle est « bio-psycho-social », au sens où la compréhension et le traitement des troubles psychiques se doivent d’être éclectiques et non centrés strictement sur le médical, le psychologique ou le social. Il est ainsi communément admis aujourd’hui qu’en fonction de différents facteurs – « bio-psycho-sociaux » – notre santé mentale oscillera sur un continuum entre le bien-être et le mal-être, et variera selon les périodes et les étapes de notre vie.

Cela amène l’idée d’équilibre : chacun et chacune d’entre nous est, tout au long de sa vie, à la recherche de son équilibre entre ses ressources et les obstacles qu’elle peut rencontrer.

Trop souvent, on pense qu’être « en bonne santé mentale » signifie n’être concerné par aucun trouble psychique. En effet, nous pouvons ressentir un bien-être mental, grâce à des relations sociales satisfaisantes, une activité épanouissante, une bonne estime de nous-mêmes. Cela est possible notamment lorsque nous bénéficions de soins, d’un accompagnement et d’un soutien social. Cela s’appelle le rétablissement.

De même, une personne peut ressentir un mal-être, sans pour autant être concernée par un trouble psychique. C’est par exemple le cas lorsqu’on vit un évènement déstabilisant comme une séparation ou un deuil.

L’équipe de Psycom a réalisé un clip expliquant le concept de santé mentale.

Imaginons que nous avons entamé un voyage dans une fusée naviguant dans l’espace. Notre objectif : garder le cap en suivant la voie lactée de l’équilibre psychique. Cette fusée va toujours être accompagnée de 2 systèmes planétaires : Obstacle et Ressource. 

Ces deux systèmes évoluent en permanence et sont alimentés chacun par deux éléments: des satellites extérieurs à la personne et des satellites qui lui sont propres. Autrement dit, les déterminants sociaux et les compétences psycho-sociales. 

ObstacleRessource
Le satellite interne (obstacles individuels): le déni, la difficulté à identifier et exprimer nos émotions, la dévalorisation, le repli sur soi,…
Le satellite interne (ressources individuelles) : la capacité à demander de l’aide, reconnaître et exprimer ses émotions, gérer son stress, … 

Le satellite externe (obstacles collectifs) : l’exclusion, la précarité, les milieux stressants, …
Le satellite externe (facteurs externes favorisants) : un environnement familial bienveillant, un accès aux soins facilité, la reconnaissance des autres, … 

La galaxie peut aussi être traversée par des astéroïdes et des comètes ! Les astéroïdes sont les évènements ponctuels, violents et négatifs de parcours : ils peuvent percuter la fusée à n’importe quel moment et déstabiliser son but. Si au moment du choc, la planète obstacle est plus grosse que celle ressource, la fusée aura du mal à revenir à son équilibre initial. C’est pourquoi, face à un même évènement, deux personnes ne réagiront pas de la même façon ! Il s’agit par ex., d’un licenciement, d’une agression, d’une séparation entre partenaires, d’un deuil, d’une guerre, …

Les comètes faits : elles sillonnent la galaxie et risquent d’entrer en collision avec la fusée. Elles peuvent s’accrocher à la fusée et devenir un poids à porter à long terme. Il faudra alors poursuivre le voyage avec la difficulté en plus. Cela peut être une maladie, un handicap, un secret de famille, …

L’espace est aussi habité par des étoiles filantes de la vie qui traversent la fusée et influencent (positivement et/ou négativement) sa trajectoire. Ce sont les relations amicales, professionnelles, la vie amoureuse, un déménagement, … 

Quand notre santé mentale est mise à mal, cela aura des conséquences sur notre comportement, notre santé physique, nos rapports aux autres. Tous ces éléments forment des signaux qui aident à mesurer le thermostat de notre santé mentale : s’isoler, des insomnies, une tristesse persistante, des prises de risque, de l’irritabilité, … Plus ces signaux durent dans le temps et perturbent notre quotidien, plus ils méritent d’être écoutés ! Si plusieurs sont dans le rouge, ils méritent une attention particulière ! 

Et vous, que faites-vous pour maintenir votre équilibre ? Pouvez-vous identifier les obstacles qui impactent votre santé mentale ? Qu’est-ce qui vous permet d’enrichir vos ressources ? …

Sources:

https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/mental-health-strengthening-our-response

https://www.psycom.org

https://www.sciensano.be/fr/coin-presse/plus-d1-personne-sur-10-en-belgique-souffre-dun-trouble-mental

EMDR

EMDR

EMDR signifie Eye Movement Desensitization and Reprocessing, en français : désensibilisation et reprogrammation par les mouvements oculaires. Cette méthode prend racine dans un modèle théorique nommé Modèle de Traitement Adaptatif de l’Information (modèle TAI). Décortiquons cela plus en détails ci-dessous.

Quand nous assistons à un concert, nous captons et vivons une multitude d’informations (des sons, des images, des odeurs,…) ainsi que des émotions, des sensations corporelles et des pensées. Tout cela constitue l’expérience du concert qui va être ensuite stockée dans la mémoire. Ce souvenir du concert est stocké dans un réseau de mémoire avec d’autres souvenirs similaires associés. En résumé, tout ce que nous vivons, expérimentons prend sens dans un réseau de mémoire existant. Apercevoir un chien peut évoquer des émotions et sensations agréables et rappeler des souvenirs d’autres chiens que nous avons connu par le passé, avec qui nous avons joué, promené, etc. A contrario, si nous avons vécu des expériences négatives avec un chien, que nous avons été mordu, alors la vue d’un chien peut enclencher un sentiment de prudence et/ou de peur.

Un réseau de mémoire (=mnésique) est donc un groupe d’informations constitué d’expériences partageant des perceptions sensorielles, des émotions, des sensations physiques, des pensées similaires et sont toutes liées les unes aux autres. C’est ce qu’on appelle communément des souvenirs. Le modèle TAI suppose donc qu’une personne en bonne santé, quand elle vit une nouvelle expérience de vie (positive ou négative), l’expérience sera stockée de manière adaptée et s’intègrera dans des réseaux mnésiques contenant des expériences de vie similaires. Il s’agit d’un système de traitement d’informations inné : les informations utiles sont conservées afin de nous aider dans le futur. Finalement, nous pouvons dire que nous apprenons de ce que nous vivons. Notre corps a la capacité de guérir spontanément les blessures physiques et nous avons aussi un système pour traiter les blessures psychologiques. Ce mécanisme de guérison physique et psychologique est inné et présent chez chacun d’entre nous.

Nous vivons tous des expériences de vie stressantes et négatives. Et beaucoup d’entre elles sont traitées à travers le temps par ce système de traitement de l’information inné. Nous nous souvenons tous de la première fois que nous avons eu un-e petit-e ami-e. Nous nous souvenons aussi comment cette première relation a pris fin, comment nos coeurs se sont brisés et à quel point nous avons pu être triste. Notre système de traitement de l’information a fait son boulot et a donné une place à cette expérience. Elle a été digérée, traitée.

Mais comment se fait-il que certaines personnes souffrent encore en pensant à la fin de cette première relation ? Comment est-il possible que ce souvenir leur donne le sentiment d’être nul-le, impuissant-e ou de ne pas mériter d’être aimé-e ?

Ces réactions sont causées par des expériences de vie « non résolues« . C’est-à-dire que des expériences négatives ont été stockées de manière dysfonctionnelle. Elles constituent alors des réseaux de mémoire dysfonctionnels qui sont à la base des difficultés actuelles. En EMDR, nous disons que le passé est présent. Nos perceptions actuelles déclenchent un réseau neuronal dysfonctionnel. Dans ce cas de figure, le mécanise de traitement de l’information inné est comme bloqué.

Prenons l’exemple d’une personne qui est terrifiée à l’idée de passer une évaluation annuelle à son travail. Elle est notamment très anxieuse lorsque son supérieur lui confie la coordination d’un projet important. Elle est à la fois impatiente et se sent incapable de gérer cette tache. Elle s’entend bien avec des collègues qui lui manifestent du soutien mais elle se sent inadéquate et n’ose pas parler de ses peurs. Elle se liquéfie et a envie de pleurer dès qu’elle est appelée par son chef d’équipe. Elle décrit être heureuse dans son mariage mais hésite à avoir des enfants car doute de ses capacité à être un bon parent.

La situation actuelle, précédemment illustrée, est un déclencheur pour des évènements non traités du passé, elle active un réseau neuronal dysfonctionnel. Des émotions négatives, des sensations physiques désagréables et des pensées reviennent à la surface. Dans ce cas de figure, il s’avère qu’en creusant dans son histoire passée, elle vivait avec des parents peu présents. Sa mère était alcoolique, lui criait dessus pour quelque chose qu’elle avait mal fait et son père était dénigrant. Elle se souvient être rentrée un jour de l’école avec un bulletin et que son père lui a dit « tu n’es qu’une incapable ». La personne en question a une panoplie de souvenirs similaires.

La méthodologie de l’EMDR s’inscrit dans 3 temps : passé-présent-futur. On invitera la personne à prendre contact avec un souvenir cible. Il est comme une porte d’entrée vers les réseaux de mémoire associés aux expériences similaires stockées de façon dysfonctionnelle. Le thérapeute guide la personne à aller vers le moment le plus difficile de l’expérience passée, à conscientiser et revivre ses réactions (émotionnelle, physique,…). Via la stimulation bilatérale (les mouvements oculaires), on remet en mouvement l’information bloquée et on la reconnecte, série après série, à des informations plus adaptatives. Le retraitement des souvenirs négatifs du passé conduit à des réponses plus adaptées dans le présent et dans le futur.

Nous pourrions conclure sur le fait que cette approche vise donc à identifier les souvenirs qui enclenchent les difficultés actuelles, à les retraiter et à renforcer l’accès à des réseaux de mémoire plus adaptatifs pour réagir de manière plus congruente aux situations actuelles et futures. Cette approche est composée de 8 phases qui seront détaillées dans un prochain article.

SOURCES

Green, M. (2004). Maintenant que la pluie est tombée, je peux voir clairement. Les cahiers jungiens de psychanalyse. 69-83. En ligne https://doi.org/10.3917/cjung.111.0069

Shapiro, F. (2014). Dépasser le passé. Ed. du seuil.

Tarquinio, C. (2019). EMDR en 46 fiches. Aide-Mémoire. Malakoff. Dunod.

Le deuil

Perdre un proche est une des épreuves les plus douloureuses que l’on puisse vivre. Cette perte, avec toutes les émotions qu’elle peut réveiller, engendre ce que l’on appelle « le processus de deuil ». C’est un processus essentiel qui vise, non pas, à lâcher prise ou à faire oublier la personne disparue mais bien à apprendre à intégrer et à accepter cette réalité dans sa vie. C’est un travail qui demande beaucoup d’énergie et de temps.

Nous avons progressivement assisté à la quasi disparition des rituels sociaux autour de la mort et du deuil dans notre société occidentale. Tout cela a contribué à faire du deuil une affaire privée. On attend donc des endeuillés qu’ils se remettent vite, qu’ils retournent au travail et qu’ils ne se laissent pas happer par une dépression. Or, le deuil n’est pas une dépression mais bien un processus normal. Pour bien le comprendre, il faut prendre en compte deux notions : la perte et les liens. Le deuil est la perte de quelqu’un ou de quelque chose qui a existé dans notre entourage. Cette perte, définitive et irréversible, nous confronte à une multitude d’émotions et nous oblige à nous adapter. À côté de ça, ce qui est perdu, c’est aussi une part de soi-même qui existait à travers ces liens qui s’étaient tissés entre la personne décédée et soi-même.

Quand on parle de deuil, d’autres situations que celle du décès d’un proche peuvent revêtir un caractère éprouvant : un divorce ou une séparation amoureuse, une perte d’emploi, une incapacité d’avoir un enfant, etc.

Le processus du deuil s’organise selon plusieurs phases qui se succèdent et se chevauchent au passage l’une de l’autre :

  • Il y a d’abord le choc qui fait suite à l’annonce de la perte, période souvent intense émotionnellement où plusieurs réactions peuvent être vécues : le déni, l’incrédulité, l’agressivité, la colère, etc. Ce sont des réactions normales (« Ce n’est pas possible », « Je n’y crois pas », « Je vis un cauchemar ») qui sont adoptées pour tenter de contenir la douleur induite par la perte. La confrontation avec la réalité peut être si brutale que les personnes endeuillées ont parfois l’impression de ne plus savoir ce qu’elles ressentent ou d’avoir peur de perdre pied. Toutes les émotions existantes peuvent se rencontrer et plonger la personne dans un tourbillon instable et changeant. « La mort d’un proche est un traumatisme, et comme toujours dans ces situations, les souvenirs liés au traumatisme sont récurrents, prégnants, souvent envahissants, jusque dans les rêves. » (Gilloots)
  • Après le choc, vient une phase dite dépressive. La réalité de la perte est alors omniprésente. La personne endeuillée se voit confrontée à la symptomatologie complète de la dépression (perte de plaisir, passivité, perte d’initiative, pessimisme, sommeil perturbé, etc).
  • La dernière étape du deuil est l’acceptation. Il s’agit de l’étape où les endeuillés peuvent accéder à des souvenirs d’avec le défunt sans activation d’une douleur paralysante et réinvestir pleinement de nouvelles relations. En d’autres termes, c’est s’adapter, petit à petit, à son nouvel environnement et vivre en paix avec ses souvenirs de la personne ou l’objet perdu(e).

La crise sanitaire a rendu cette épreuve encore plus difficile car elle se vit seul. La professeure Emmanuelle Zech, lors d’un passage en télé, avait insisté sur les aspects structurants et de reconnaissance induits par les rites associés au deuil. Les funérailles, toutes ces manières collectives de dire au revoir suivant habituellement des formes scénarisées permettent la mobilisation de tout un collectif pour rappeler la vie et soutenir chaque personne touchée par la perte. Or l’organisation de funérailles a été très fortement mise à mal par l’ambiance générale d’anxiété induite par le virus et les règles de distanciation sociale. La psychologue Magali Molinié souligne l’importance des rituels qui permettent de « s’appuyer les uns sur les autres, de collaborer dans un moment difficile au lieu de se replier sur ses frustrations et sa colère. » Le deuil n’est donc pas seulement une épreuve personnelle mais il est aussi un drame collectif et social.

Il est très important d’exprimer ses émotions et sentiments quand on vit un deuil. Chacun s’approprie ce travail de deuil à sa façon et à son rythme. Les émotions et sentiments éprouvés dans ces circonstances trouvent leur origine dans l’histoire de la relation que nous avons entretenue avec le défunt et dans notre relation avec la mort. Comme le dit très bien Emmanuelle Gilloots dans un article, le deuil est un long chemin avec ses propres saisons. Ses hivers, où des zones plus sombres et froides apparaissent et ses printemps, où la vie peut renaître et arborer ses couleurs.

Sources:

Compan, S. (2015). Deuil pathologique ou pathologie du deuil?. Thèse en faculté de Médecine à l’Université de Picardie Jules Vernes.

Despret, V. (2020). Interview: Le deuil au temps du coronavirus. Magazine Axelle. En ligne : https://www.axellemag.be/deuil-coronavirus-vinciane-despret/

Gilloots, E. (2001). L’accompagnement thérapeutique des personnes en deuil. Revue Gestalt. 123-135.

Keirse, M. Les étapes du deuil. En ligne : https://funebra.be/les-etapes-du-deuil/

Molinié, M. (2011). Interview pour le site accompagner la vie. En ligne http://accompagnerlavie.net/category/143/articles/602

Philippin, Y. (2006). Deuil normal, deuil pathologique et prévention en milieu clinique. Infokara. 21. 163-166. doi: https://doi.org/10.3917/inka.064.0163

Veyrié, N. (2014). La mort d’un être cher. Dialogue. 3. 73-84. doi: https://doi.org/10.3917/dia.205.0073